Alexis Duc Dodon, avocat en droit de la famille en Espagne, présente les critères jurisprudentiels doctrinaux retenus pour obtenir la garde partagée en Espagne devant le Juge espagnol.
A l’issue d’un processus et d’une évolution aussi lente qu’importante, la plus haute juridiction Espagnole, le Tribunal Surpremo (équivalent Cour de Cassation) convient désormais que la garde partagée ou alternée, est le régime normal de référence dans l’intérêt des enfants. Avec cependant, de notables exception selon la situation de chaque famille.
Dans un premier temps, nous pouvons nous attarder sur les critères légaux d’établissement d’un régime de garde alternée en Espagne, notamment les alinéas 5 à 9 l’article 92 du code civil espagnol, qui fait référence à ce régime :
« 5.- La garde partagée des enfants est convenue lorsque les parents en font la demande dans la proposition d’accord réglementaire ou lorsque tous deux parviennent à cet accord au cours de la procédure. Le juge, en acceptant la garde conjointe et après avoir motivé sa décision, adopte les précautions appropriées pour l’accomplissement effectif du régime de garde établi, en veillant à ne pas séparer les frères et sœurs.
Dans tous les cas, avant de convenir du régime de garde, le juge devra obtenir un rapport du ministère public, et entendre les mineurs qui ont un jugement suffisant lorsqu’il est considéré nécessaire d’office ou à la demande du ministère public, des parties ou des membres de l’équipe technique judiciaire, ou du mineur lui-même, d’évaluer les allégations des parties faites à l’audience et les preuves apportées, ainsi que la relation que les parents entretiennent entre eux et avec leurs enfants pour déterminer leur aptitude au régime de garde.
À titre exceptionnel, même si les cas visés à l’alinéa 5 du présent article ne se présentent pas, le juge, à la demande de l’une des parties, sur rapport favorable du ministère public, peut accepter la garde et la tutelle partagées, en considérant qu’il s’agit de la seule façon de protéger adéquatement l’intérêt supérieur du mineur (NOTE : la clause mise en évidence a été déclarée inconstitutionnelle et nulle).
9.- Le juge, avant d’adopter l’une des décisions visées aux paragraphes précédents, soit d’office, soit à la demande d’une partie, peut demander l’avis de spécialistes dûment qualifiés quant à l’adéquation des modalités d’exercice de l’autorité parentale et du régime de garde des mineurs« .
Le régime de la garde alternée/partagée selon la Cour suprême espagnole
– La lettre de l’art. 92 du code civil ne permet pas de comprendre que le régime de la garde partagée en Espagne soit un régime d’exception, mais au contraire, il doit être considérée comme la régime de garde normal et même souhaitable pour les enfants., afin notamment de garantir à ces derniers une relation continue avec les deux parents, ce qui est privilégiée dans la mesure du possible, même dans des situations de crise..
– Le Tribunal Constitutionnel en Espagne a opéré un extraordinaire revirement de vision jusqu’à d’établir que le système de garde partagée doit être considéré comme la norme et non l’exceptionnel, et que les Tribunaux espagnols en matière familiale doivent décider en la matière avec de larges pouvoirs souverains, sans devoir être liés par le rapport favorable du ministère public qui est toujours présent dans les procédures où sont présent des mineurs.
- L’interprétation de la loi et. Plus particulièrement l’article 92 du code civil espagnol par le Juge Espagne, doit se fonder sur les intérêts des enfants qui vont être affectés par la mesure à prendre de garde partagée et de tutelle, qui sera acceptée lorsque les conditions suivantes seront réunies :
- La pratique antérieure des parents dans leurs relations avec l’enfant et leurs capacités personnelles.
- Les souhaits exprimés par les enfants
- Le nombre d’enfants.
- L’accomplissement par les parents de leurs devoirs à l’égard des enfants et le respect mutuel dans leurs relations personnelles.
- Le résultat des rapports exigés par la loi, notamment du service psicosocial du Tribunal
- et tout ce qui permet aux enfants de mener une vie adéquate, même si dans la pratique, cela peut être plus complexe que lorsque les parents vivent ensemble.
Un récente position jurisprudentielle en la matière, désormais en faveur de ce régime de garde partagée, fait référence un changement de circonstances de la famille qui peut être allégué dans une demande de modification du régime de garde, comme il est retenu dans la de la décision de la Cour suprême espagnol du 24 septembre 2019.
Comme il est rappelé par la décision de la Cour suprême du 12 mail 2017
» La Chambre n’a cessé de rappeler le bien fondé objectif du système de garde et de tutelle partagées ( SSTS 4 février 2016 ; 11 février 2016 ; 9 mars 2016 ; 433/2016 , du 27 juin).
La question centrale est celle de l’intérêt de l’enfant : ce dernier doit prévaloir à la décision qui sera prise par le juge Espagnol en matière de garde d’enfants en Espagne.
Alexis Duc Dodon – avocat français à Madrid – conseille et représente ses clients dans tous les procédures relatives au droit de la famille et au divorce entre la France et l’Espagne.
La garde partagée exige un prérequis nécessaire : une relation de respect mutuel entre les parents, une collaboration et un comportement bénéfique pour l’enfant, qui ne perturbent pas son développement affectif et qui maintiennent, malgré la séparation effective des parents, un cadre familial de référence favorisant la croissance harmonieuse de sa personnalité. Cela n’empêche pas que l’existence de désaccords, typiques de la crise conjugale et des séparation, il s’agit donc du régime de référence, quelques exemples de décisions :
Décision du Tribunal Supreme espagnol du 15 juillet 2015
» les faits retenus dans le jugement conduisent à ce régime :
(1) L’enfant va bénéficier du fait que les deux parents remplissent des conditions adéquates et suffisantes pour le bon exercice de leurs responsabilités parentales ;
(2) Les deux parents ont également la capacité de s’occuper de leur enfant de manière adéquate, selon le rapport de l’équipe psychosociale ;
(3) Leurs horaires de travail permettent de s’occuper au mieux de l’enfant ;
(4) L’enfant a un lien fort avec son père et sa mère ;
(5) En raison de son âge, il n’y a pas de facteurs négatifs pour les activités de base, ce qui lui permet d’assumer des rôles personnels pour le compte de ses parents (habillage, nettoyage, etc.) ;
(6) Les deux parents disposent d’un foyer stable, sans que l’altération n’implique pour l’enfant une modification substantielle de la structure sociale dans laquelle il est intégré, avec des facilités pour les nuitées ainsi que pour les études ;
(7) Enfin, le souhait de l’enfant, qualifié par l’équipe psychosociale de mature à cette fin, coïncide avec le système de garde partagée ».
Décision du Tribunal Supreme espagnol du 17 mars 2016 :
« Dans decision contre laquelle a été exercé un recours (rendu par l’Audiencia Provincial), la garde partagée convenue par le tribunal est laissée sans effet, ayant interprété que le rapport psychosocial ne conseille pas aux parents de partager la garde des enfants, alors que, au contraire, le rapport est favorable à ce système dans ses conclusions.
L’examen du rapport susmentionné conduit aux conclusions suivantes :
- Le régime de garde partagée serait viable dans ce cas, à condition que les circonstances actuelles soient maintenues.
- Les deux parents sont capables d’exercer la garde conjointe.
- Les deux parents bénéficient d’un soutien familial.
- Il existe des possibilités de négociation et de dialogue entre les parents.
À la lumière de ces données, il est convenu d’annuler le jugement attaqué pour violation de l’art. 92 du Code civil et de la jurisprudence qui le développe (citée ci-dessus), en assumant l’instance et en confirmant le jugement rendu par le Tribunal, étant donné que dans ce cas le système de garde partagée est approprié…. ».
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